29 juillet 2014
Presse culturelle de grande diffusion : nous en rêvons, ils ne le font pas.
Tous les étés, c’est le même cycle stupide qui revient dans la presse culturelle de grande diffusion, notamment avec l’exemple typique du magazine Télérama dont la rubrique consacrée aux livres devient ridicule à force de rétrécir.
Dans le numéro courant du 26 juillet au 1er août, une malheureuse page dont un quart est mangée par un graphisme noir et blanc n’affiche que trois critiques d’ouvrages, comme si l’édition avait du jour au lendemain suspendu toute activité, comme s’il n’existait plus un seul livre récent voire malencontreusement négligé durant l’année qui soit jugé digne d’être promu.
Le pire est que cette pénurie qui va durer toutes les vacances (au moment où le lectorat est éventuellement plus disponible, plus attentif à la lecture) va se terminer brutalement dès la rentrée avec l’avalanche des centaines de nouveautés qui vont de nouveau ensevelir les tables de libraires et de chroniqueurs débordés. La fin des restrictions de pagination ne changera rien à ce gâchis qui se traduira comme d’habitude par des centaines de livres morts nés et d’auteurs disqualifiés dès leur première publication sous prétexte qu’ils n’auront pas eu de presse.
Quant à la petite édition au milieu de ce maelström, n’en parlons même pas (ce à quoi s’appliquent d’ailleurs avec constance les médias et journalistes de la presse culturelle industrielle) dont Télérama et Le Monde font partie. Au Monde, puisque nous en parlons, le supplément Livres disparaît carrément pendant les vacances, laissant place à quelques colonnes de notes de lecture faméliques. En revanche, notons-le au passage, le cahier Économie / Entreprise arrive toujours à l’heure, les affaires continuent.
Si ce n’était pécher par naïveté, il serait utile de se demander pourquoi un magazine tel que Télérama et un quotidien tel que Le Monde ne pourraient pas profiter de la pause estivale pour ouvrir leurs pages à la petite édition, quitte à confier à des stagiaires la mission de présenter et de critiquer les ouvrages d’auteurs condamnés la plupart du temps à une visibilité nulle ou réduite parce qu’ils sont publiés en dehors des grands circuits de diffusion.
« Vous rêvez » m’a un jour répondu une sous-chef de service d’un grand magazine littéraire avec qui je discutais de ce sujet au téléphone. À cet argument définitif, je répondrai toujours de la même manière : c’est justement parce que nous rêvons en permanence de découvertes, nous autres lecteurs de littérature, que nous renouvelons nos abonnements à la presse culturelle et littéraire.
Si cette presse n’a plus ou ne se donne plus les moyens de contribuer à nourrir ce rêve sous prétexte qu’elle est tout entière occupée à servir la soupe (la soupe étant ce petit groupe d’auteurs hypermédiatisés qui reviennent à chaque rentrée avec la régularité du liseron après avoir laborieusement honoré leurs contrats), la tentation serait alors de plus en plus grande d’aller chercher — avec un non négligeable profit économique — sur internet ce que nous avons de plus en plus de mal à trouver dans la « presse papier » .
Rêver n’empêche nullement de faire parfois preuve de pragmatisme.
Photo : rubrique Livres de Télérama n° 3367 : trois ouvrages sélectionnés ! Pour mémoire, tirage du précédent n°: 611609. Parfois, les chiffres parlent !
16:52 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : télérama, le monde, presse, édition, presse culturelle, diffusion, livres, livre, littérature, journalisme, journalisme littéraire, blog littéraire de christian cottet-emard, petite édition, rentrée littéraire, restrictions de pagination, rubrique livres, tirage télérama, auteur, économie, entreprise, supplément, lectorat, industrie culturelle, chiffre, rêve, rêveur, net, internet, toile, web, information, info, info gratuite, information gratuite, information en ligne, médias
03 septembre 2012
La rentrée « littéraire » pue
« L’éloge littéraire » d’un tueur par un homme de lettres français et bien d’autres produits éditoriaux que je m’abstiens de nommer car ils bénéficient d’assez de publicité dans les médias de l’industrie du livre pour que je prenne la peine de leur en donner encore bénévolement dans ce petit blog, décidément la rentrée dite littéraire (commerciale plutôt) pue. Le plus inquiétant, ce n’est pas l’existence de ces produits qu’il me coûte de devoir appeler des livres mais l’abondance de leurs lecteurs, signe très inquiétant d’un air du temps vicié.
Quant à considérer la tuerie comme une œuvre d’art, les précédents sont fréquents, notamment de la part d’intellectuels et d’artistes à qui la renommée justifiée ou non a tout simplement fait perdre la mesure. Je ne citerai que l’exemple de feu le compositeur Karlheinz Stockhausen qui voyait dans les attentats du 11 septembre 2001 « la plus grande œuvre d'art réalisée », mais il y en a bien d’autres dont je n’ai pas envie d’établir le catalogue nauséabond.
Je vois d’ici arriver les esthètes, le troupeau de ceux qui se croient provocateurs et modernes, les publicitaires et autres industriels de la communication brandir le drapeau de la liberté d’expression. La liberté d’expression ? Certes. Mais aussi la liberté pour les foules de victimes aux vies détruites par la disparition d’un proche de se regrouper, de se cotiser et de payer des avocats pour attaquer les auteurs de ces prétendus « éloges littéraires » dans ce qui leur reste de plus sensible, le compte en banque.
23:56 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rentrée littéraire, livre, littérature, auteur, puer, puanteur, tribunal, avocat, justice
30 juillet 2010
A’ xiste pas !
Chaque année en période estivale, je fais le même rêve éveillé : les grands quotidiens et les magazines qui ont pris l’habitude de réduire leur pagination pendant les vacances en profitent pour aérer un peu la boutique. Les chefs de rubriques sont partis au chaud ou au frais ? Qu’à cela ne tienne, les rédactions ont embauché de jeunes stagiaires. Dans les pages littéraires, ils signent des critiques et des notes de lecture à leur manière. On leur donne carte blanche, oh, pas pour longtemps... Mais tout de même. Puisqu’ils ne sont pas encore blasés et qu’ils sont encore trop jeunes et inconnus pour crouler sous les services de presse, ils nous parlent des livres qu’ils aiment et ne répugnent point à promouvoir quelques ouvrages publiés par de petits voire minuscules éditeurs.
Ce bref courant d’air frais ne dure que quelques semaines mais c’est d’autant plus agréable pour les lecteurs surpris (ô lecteur, ô lectrice, à quelle époque lointaine un journal, un magazine vous ont-ils surpris ?) que la rentrée dite littéraire va bientôt déverser ses centaines de nouveautés dont une partie ne connaîtra de la librairie que l’arrière-boutique avant de repartir encore blistérisée et empaquetée vers le pilon.
Eh oui, c’est toutes les années pareil. Le rêve n'était qu'un rêve et la réalité, la voici : hier, j’ai reçu Télérama. Rubrique littéraire : trois livres présentés, pas un de plus ! Et à la fin de l’été, à Télérama comme ailleurs, même avec le retour à la pagination normale, ils compteront non pas chaque ligne mais chaque signe, les chefs de rubrique ! Quant à la petite édition : « a’ xiste pas » comme dit Jean Tardieu.
23:11 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : presse, édition, télérama, journaux, magazine, rentrée littéraire, stagiaire, pagination, livres, critique